Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/23

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— Je te retrouve bien là, Summy, répliqua Ben Raddle. Pourtant, je n’envisage pas cette affaire si indifféremment, et mon avis est qu’elle mérite une attention sérieuse, une étude approfondie… »

D’abord, Summy Skim ne répondit rien à cette ouverture, mais, après que son cousin se fut avancé davantage :

« Mon cher Ben, dit-il, il me semble que notre situation est très simple… ou cet héritage a quelque valeur, et nous le liquiderons au mieux de nos intérêts, ou il n’en a aucune, ce qui est infiniment probable, car notre oncle n’était point homme à s’enrichir, et nous ne l’accepterons pas…

— Ce sera sage, en effet, déclara Ben Raddle. Mais il n’y aura pas lieu de se hâter… Avec ces placers, il y a tant d’aléas… On les croit pauvres, on les croit épuisés, et un coup de pioche peut donner une fortune…

— Eh bien, mon cher Ben, c’est précisément ce que doivent savoir les gens de la partie, ceux qui exploitent en ce moment ces fameux gisements du Klondike. Si le claim de Forty Miles Creek vaut quelque chose, nous essaierons de nous en défaire au prix le plus avantageux… Mais, je le répète, il est à craindre que notre oncle se soit lancé dans quelque mauvaise affaire dont nous supporterons peut-être les conséquences. Il n’a point réussi dans la vie et je n’imagine pas qu’il ait quitté ce monde au moment d’être millionnaire…

— C’est ce qui reste à déterminer, répondit Ben Raddle. Le métier de prospecteur est fécond en surprises de ce genre. On est toujours à la veille de découvrir une heureuse veine, et par ce mot de veine, je n’entends point dire la chance, mais le filon aurifère où les pépites abondent. Enfin il est de ces chercheurs d’or qui n’ont point eu à se plaindre…

— Oui, répondit Summy Skim, un sur cent, et au prix de quels soucis encore, de quelles fatigues, et l’on peut ajouter de quelles misères !…

— Enfin, reprit Ben Raddle, ce n’est pas à des hypothèses que j’entends m’arrêter, mais à des constatations sérieuses avant de prendre un parti… »

Summy Skim vit bien où son cousin voulait en venir, et s’il en fût affligé, il ne pouvait s’en montrer autrement étonné. Il se raccrocha donc au thème qui lui était familier et dit :

« Mon ami, est-ce que la fortune que nous ont laissé nos parents n’est pas suffisante ?… Est-ce que notre patrimoine ne nous assure pas l’indépendance et le bien-être ?… Si je te parle ainsi, c’est que je m’aperçois que tu donnes à cette affaire plus d’importance que je ne lui en ai donné, qu’elle ne mérite à mon avis, et sait-on les déboires qu’elle nous réserverait ?… Voyons, ne sommes-nous pas assez riches ?…

— On ne l’est jamais assez, quand on peut l’être davantage…

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