Page:Verne - Le Volcan d’or version originale.djvu/36

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On l’imagine, les fermiers furent assez surpris de cette arrivée, non moins surpris que satisfaits, que l’on veuille le croire. Comme toujours, Summy Skim se montra très sensible à l’affectueux accueil qu’il reçut. Mais, lorsque les fermiers apprirent que l’été se passerait sans que leur maître fût avec eux, ils ne cachèrent point le chagrin que leur causait cette nouvelle.

« Oui, mes amis, dit Summy Skim, Ben Raddle et moi, nous partons pour le Klondike, un pays qui est au diable, et que le diable tient sous sa toute-puissance, et si loin, qu’il ne faut pas moins de quatre mois rien que pour y aller et autant pour en revenir…

— Et tout cela dans le but de ramasser des pépites !… dit un des paysans en haussant les épaules.

— Quand on en ramasse, ajouta un vieux philosophe, qui secouait la tête d’un air peu encourageant.

— Et encore faut-il prendre garde à ne point tomber, dit Summy Skim, car on ne se relève pas toujours. Que voulez-vous, mes amis, c’est comme une fièvre ou plutôt une épidémie qui de temps en temps traverse le monde, et qui fait bien des victimes !

— Mais pourquoi s’en aller là-bas, notre maître ? demanda la doyenne de la ferme.

Et alors Summy Skim d’expliquer comment son cousin et lui venaient d’hériter d’un claim après la mort de leur oncle Josias Lacoste, et pour quelles raisons Ben Raddle estimait que leur présence était nécessaire au Klondike.

— Oui, reprit le vieux, nous avons entendu parler de ce qui se passe à la frontière du Dominion, et surtout des misères où tant de pauvres gens succombent. Enfin, monsieur Skim, il n’est point question que vous restiez dans ce pays, et, lorsque vous aurez vendu votre tas de boue, vous reviendrez…

— Croyez-le bien, mes amis, mais, en admettant que les choses marchent toutes seules, cinq à six mois s’écouleront avant notre retour, et la belle saison sera à son terme !… C’est tout un été que je vais perdre !…

— Et, été perdu, hiver plus triste encore ! » ajouta une vieille qui se signa et dit :

« Dieu vous protège, notre maître ! »

Après une semaine à Green Valley, Summy Skim pensa qu’il était temps de rejoindre Ben Raddle. Il avait personnellement quelques préparatifs à faire. Ce ne fut pas sans émotion, une émotion bien partagée de tous, qu’il prit congé de ces braves gens. Et songer que dans quelques semaines, le soleil d’avril se lèverait sur l’horizon de Green Valley, que de toute cette

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