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une âme en peine de la maison de la rue Jacques Cartier à l’étude de maître Snubbin.

Bref, le 2 avril, dès le matin, les deux cousins se trouvaient à la gare de Montréal, où leurs bagages avaient été transportés. Cela ne formait pas un gros volume, au total, et ne deviendrait véritablement l’embarrassant « impedimentum » qu’après avoir été complété à Vancouver.

Avant de quitter Montréal, s’ils se fussent adressés à la Compagnie du Canadian Pacific, les voyageurs auraient pu prendre des billets de steamer pour Skagway. Mais Ben Raddle ne s’était pas encore décidé au sujet de la voie pour gagner Dawson-City, soit celle qui remonte le Yukon depuis son embouchure jusqu’à la capitale du Klondike, soit celle qui, au-delà de Skagway, se déroule à travers les montagnes, les plaines et les lacs de la Colombie britannique.

Ils étaient donc enfin partis, les deux cousins, l’un entraînant l’autre, celui-ci résigné, celui-là plein de confiance. Ils allaient voyager d’ailleurs dans les meilleures conditions. Ils occupaient un wagon de première classe des plus confortables, et c’est bien le moins que l’on veuille avoir toutes ses aises, lorsqu’il s’agit d’un voyage de quatre mille sept cents kilomètres, dont la durée est de six jours entre Montréal et Vancouver.

Pendant la première partie du parcours, le train traversa cette portion du Dominion qui comprend les districts si variés de l’est et du centre. Ce ne serait qu’après avoir dépassé la région des grands lacs qu’il entrerait dans cette contrée moins populeuse et parfois déserte, surtout aux approches de la Colombie. C’est d’ailleurs la première fois que Summy Skim et Ben Raddle lui-même allaient visiter ce côté du Nord-Amérique.

Le temps était beau, l’air vif, le ciel voilé de légères brumes. La colonne thermométrique oscillait autour du zéro, avec un air sec et coupant quand elle était au-dessus, avec de courtes chutes de neige quand elle était au-dessous.

À perte de vue se développaient les plaines toutes blanches, qui, dans quelques semaines redeviendraient verdoyantes, et dont les multiples rios seraient dégagés de glaces. De nombreuses troupes d’oiseaux, devançant le train, se dirigeaient vers l’ouest et passaient à grands coups d’aile. De chaque côté de la voie, sur la couche de neige, on pouvait relever des empreintes d’animaux, fauves ou autres, qui se dessinaient jusqu’aux forêts de l’horizon. Voilà des pistes qu’il eût été aisé de suivre, et qui eussent amené quelque beau coup de fusil ! Aussi que l’on juge des impatiences et des regrets de Summy Skim, emprisonné dans ce wagon, et ne pouvant satisfaire ses instincts cynégétiques !

Mais il était bien question de chasse, à présent ! S’il y avait des chasseurs dans le train en marche sur Vancouver, ce n’étaient que des chas-

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