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pas de molester quelque peu les voyageurs. Il put donc démarrer à l’instant, et le bateau, dont la voile fut hissée, déborda la rive.

Le pilote Neluto s’était mis à la banc derrière le tôt devant lequel les sœurs avaient pris place. Summy Skim et Ben Raddle s’étaient accotés en abord auprès de Bill Stell. Les quatre hommes, placés à l’avant, écartaient les glaçons avec leurs gaffes. Le bateau suivait une assez large brisure, dont la direction le laissa marcher vent arrière pendant une demi-lieue environ. Mais il fallut ensuite brasser la voile grand largue en s’écartant vers l’ouest, et, en somme, l’allure était peu rapide.

La principale préoccupation du pilote était d’éviter les glaçons qui dérivaient en aval, et dont le choc aurait pu causer des avaries. Il n’y avait pas toujours facilité, car un grand nombre d’embarcations s’engageaient dans les passes. Plusieurs centaines, profitant de la débâcle et du vent favorable, avaient dès l’aube quitté cette station du lac Benett. Au milieu de cette flottille, il était souvent malaisé d’éviter des abordages. Et lorsque ces heurts se produisaient, quelles vociférations, quelles injures, quelles menaces éclataient de toutes parts, sans parler des coups échangés d’un bateau à l’autre.

Ben Raddle et Summy Skim observaient avec curiosité la rive droite du lac, de laquelle ils se rapprochaient. Sur les grèves végétaient des touffes d’épinette jaunâtres et en arrière se massaient des forêts blanches d’une neige que la brise n’abattait pas. Là aussi fonctionnaient des scieries mécaniques dont la vapeur haletait au-dessus des toitures d’écorces et d’où s’échappaient des grincements métalliques.

On voyait également des cabanes disséminées sur les rives, parfois un hameau de huttes d’lndiens qui se livraient à la pêche, et dont les canots, halés sur le sable, attendaient que la navigation fût redevenue libre sur le lac.

En arrière-plan, au dernier recul de l’horizon, se dessinaient quelques hauteurs dénudées qui ne protégeaient pas suffisamment le territoire contre les courants glacés du nord.

Les brumes accumulées dès le matin vers le sud ne s’étaient pas dissoutes sous l’effet du vent qui, d’ailleurs, tendait plutôt à mollir. Le soleil n’avait pu les percer, et il y avait lieu de craindre que ce brouillard ne s’abaissât jusqu’à la surface des eaux. Or, de naviguer dans ces conditions, au milieu de la dérive, c’eût été presque impossible. Dans ce cas, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d’accoster quelque point de la rive et d’y relâcher jusqu’au prochain changement de temps.

Dans l’après-midi, le bateau croisa une embarcation de la police qui circulait entre les passes et qui n’avait que trop souvent à intervenir dans les rixes.

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