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le passé et le présent.

n’y a pas d’extradition pour les réfugiés politiques. Mais il ne me suffisait pas que ma vie fût sauve, je voulais que l’on crût à ma mort. Personne ne devait savoir que le dernier fugitif du donjon de Pisino eût pris pied sur la terre italienne.

« Ce que je voulais se réalisa. La journée se passa sans incidents. La nuit vint. Vers dix heures du soir, un feu brilla à intervalles réguliers dans le sud-ouest. C’était le phare de Brindisi. Deux heures après, le steamer donnait à travers les passes.

« Mais alors, avant que le pilote fût venu à bord, environ à deux milles de terre, après avoir fait un paquet de mes vêtements que je fixai sur mon cou, j’abandonnai les chaînes du gouvernail, et je me glissai doucement dans l’eau.

« Une minute après, j’avais perdu de vue le steamer, qui jetait dans l’air les hennissements de son sifflet à vapeur.

« Une demi-heure plus tard, par une mer calme, sur une grève sans ressac, je débarquai à l’abri de tout regard, je me réfugiai dans les roches, je me rhabillai, et, au fond d’une anfractuosité, garnie de goémons secs, la fatigue l’emportant sur la faim, je m’endormis.

« Au lever du jour, j’entrai à Brindisi, je cherchai un des plus modestes hôtels de la ville, et là,