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sur les parages de malte.

pluie chaude tombait par grains. La masse des vapeurs de l’horizon, maintenant bâillonnée par le vent, passait à travers l’espace avec une extrême vitesse. Entre leurs déchirures brillaient subitement quelques étoiles qui s’éteignaient aussitôt, et la queue de ces haillons, traînant jusqu’à la mer, la balayait comme d’immenses houppes. De triples éclairs, frappant les lames en trois endroits, enveloppaient parfois le steam-yacht tout entier, et les éclats de la foudre ne cessaient plus d’ébranler l’air.

Jusqu’alors la situation avait été difficile : elle allait rapidement devenir inquiétante.

Le capitaine Köstrik, sachant qu’il devait se trouver de vingt milles au moins dans la portée du feu de Gozzo, n’osait plus s’approcher de l’île. Il pouvait même craindre que ce ne fût la hauteur des terres qui l’empêchât de l’apercevoir. Dans ce cas, il en aurait été extrêmement près. Or, à donner sur les roches isolées qui bordent le pied de ses falaises, on se fût immédiatement perdu.

Vers neuf heures et demie, le capitaine prit donc la résolution de mettre en panne sous petite vapeur. S’il ne stoppa pas complètement, du moins réduisit-il la machine à quelques tours d’hélice seulement, — ce qu’il fallait pour que le navire ne restât pas insensible au gouvernail et présentât toujours sa