Page:Verne - Mathias Sandorf, Hetzel, 1885, tome 2.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

76
mathias sandorf.

voyageur, dont on transportait les bagages sur le quai.

Cet homme, âgé d’une quarantaine d’années environ, l’air hautain, impudent même, donnait ses ordres à voix haute. C’était un de ces personnages que l’on sent mal élevés, même quand ils sont polis.

« Lui !… ici… à Cattaro ! »

Ces mots se seraient échappés des lèvres du docteur, s’il ne les eût retenus, non sans peine, et en réprimant le mouvement de colère qui enflamma son regard.

Ce passager était Sarcany. Quinze ans s’étaient écoulés depuis l’époque où il remplissait les fonctions de comptable dans la maison du comte Zathmar. Ce n’était plus, au moins par le costume, l’aventurier que l’on a vu errer dans les rues de Trieste au commencement de ce récit. Il portait un élégant habit de voyage sous un cache-poussière à la dernière mode, et ses malles, avec leurs cuivres multiples, indiquaient que l’ancien courtier de la Tripolitaine avait des habitudes de confort.

Depuis quinze ans, d’ailleurs, Sarcany n’était pas sans avoir mené une existence de plaisirs et de luxe, grâce à l’énorme part qui lui avait été attribuée sur la moitié de la fortune du comte Sandorf. Que lui en restait-il ? Ses meilleurs amis, s’il en avait, n’auraient pu le dire. En tout cas, son visage portait