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mathias sandorf.

auquel sa fortune assurait une grande existence partout où il lui plairait d’aller.

Peut-être aussi cette résolution de quitter Trieste lui fut-elle dictée par une circonstance particulière, — qui sera révélée plus tard, — circonstance dont Mme Toronthal et lui eurent seuls connaissance. Ce fut même ce qui le mit en relation, une fois seulement, avec cette Namir, dont on connaît les accointances avec Sarcany.

Ce fut donc Raguse que le banquier choisit pour sa nouvelle résidence. Il l’avait quittée très jeune, n’ayant ni parents, ni famille. On l’y avait oublié, et ce fut en étranger qu’il revint dans cette ville, où il n’avait pas reparu depuis près de quarante ans.

À l’homme riche qui arrivait dans ces conditions, la société ragusaine fit bon accueil. Elle ne savait de lui qu’une chose, c’est qu’il avait eu une grande situation à Trieste. Le banquier chercha et acquit un hôtel dans le plus aristocratique quartier de la ville. Il eut un grand train de maison, avec un personnel de domestiques qui fut entièrement renouvelé à Raguse. Il reçut, il fut reçu. Puisqu’on ne savait rien de son passé, n’était-il pas un de ces privilégiés qui s’appellent les heureux de ce monde ?

Silas Toronthal, il est vrai, n’était point accessible au remords. N’eût été la crainte que le secret de