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complications.

trouver dans la même ville, de la rencontrer quelquefois sur son passage, pauvre, travaillant pour élever son jeune enfant, cela ne laissait pas de lui être plus que désagréable. Certes, si Mme Bathory eût déjà demeuré à Raguse, au moment où il songeait à s’y fixer, peut-être aurait-il renoncé à ce projet. Mais, lorsque la veuve vint occuper cette modeste maison de la rue Marinella, son hôtel était déjà acheté, son installation faite, sa situation acceptée et reconnue. Il ne put se décider à changer une troisième fois de résidence.

« On s’habitue à tout ! » se dit-il.

Et il résolut de fermer les yeux devant ce témoignage permanent de sa trahison.

Lorsque Silas Toronthal fermait les yeux, il paraît que cela suffisait pour qu’il ne vît rien en lui-même.

Toutefois, ce qui n’était après tout qu’un désagrément pour le banquier, devint pour Mme Toronthal une cause incessante de douleur et de remords. Secrètement, à plusieurs reprises, elle essaya de faire parvenir des secours à cette veuve, qui n’avait d’autres ressources que son travail ; mais ces secours furent toujours refusés, comme tant d’autres que des amis inconnus essayèrent de lui faire accepter. L’énergique femme ne demandait rien, elle ne voulait rien recevoir.