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p’tit-bonhomme.

s’occupait à débiter les articles de son étalage, Bob, sa cage à la main, allait solliciter la pitié des jeunes gentlemen et des jeunes misses pour ses jolis prisonniers. L’envolée se faisait au milieu des battements de mains, la cage se vidait… et les pence de pleuvoir dans la poche du malin garçonnet !

Quelle bonne idée il avait eue, et avec quelle satisfaction il comptait chaque soir sa recette avant de la joindre à la recette courante !

C’est ainsi que l’un et l’autre, en remontant la côte vers Dublin, se trouvèrent à Bray, l’après-midi du 9 juillet.

Bray, que quatorze à quinze milles séparent de Dublin, est couchée au pied d’un promontoire détaché du système des Wicklow-Mounts, dominée par le Lugnaquilla, haut de trois mille pieds. Grâce à cet encadrement magnifique, la bourgade semble plus délicieuse encore que le Brighton de la côte anglaise. C’est du moins l’opinion de Mlle  de Bovet, qui fait preuve, en décrivant les beautés de l’Île-Verte, d’un sens très fin et très artiste. Que l’on se figure une agglomération d’hôtels, de villas toutes blanches, de cottages fantaisistes, où les habitants et les étrangers venus pendant la saison se comptent par cinq et six mille. On peut dire que les maisons bordent la route jusqu’à Dublin sans discontinuité. Bray est rattachée à la capitale par un railway, dont le remblai disparaît parfois sous les embruns de la houle, qui pénètre furieusement à travers cette étroite baie de Killiney que ferme au sud un superbe promontoire. Des ruines, elles s’entassent aux approches de Bray, et quelle ville de l’Île Émeraude en est dépourvue ? Ici, ce sont les restes d’une vieille abbaye de Saint-Bénédict, puis, un groupe de ces tours appelées « martello », qui servaient à défendre la côte au XVIIIe siècle, sans parler des batteries qui la protègent au xixe. Il paraît que, si l’on gravit les pentes du cap, une bonne lunette vous permet d’apercevoir les contours des montagnes du pays de Galles, au-delà de la mer d’Irlande. Ce dire, P’tit-Bonhomme ne put le vérifier, d’abord, parce qu’il ne possédait pas de lunette, ensuite, parce qu’il dut quitter Bray plus hâtivement qu’il n’y comptait.