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seconde patrie.

quel désœuvrement, et combien l’impossibilité de rien entreprendre paraissait dure à des hommes si actifs ! Réduits à errer au pied de cette falaise qui les emprisonnait, leurs yeux se fatiguant à observer la mer toujours déserte, il leur fallait une extraordinaire force d’âme pour ne point succomber au découragement.

Les journées, si longues, se passaient en conversations que Jenny était toujours la première à provoquer. La courageuse jeune femme animait tout son monde, s’ingéniait à le distraire, discutait des projets sur la valeur desquels elle ne se méprenait guère. Fritz et elle échangeaient leurs pensées, même sans qu’ils eussent besoin de parler. Le plus souvent, le capitaine Gould et John Block s’entretenaient de l’avenir. Et parfois ils se demandaient si le gisement de l’îlot était bien tel qu’ils le supposaient dans l’ouest du Pacifique. Le bosseman émettait quelque doute à cet égard.

« Est-ce l’arrivée de l’albatros qui te donne à réfléchir ?… lui demanda un jour le capitaine.

– Je l’avoue, répondit John Block, et ce n’est pas sans quelque raison, je pense.

– Et tu veux en conclure, Block, que cet îlot serait situé plus au nord que nous ne le supposons ?…

– Oui, mon capitaine… et qui sait ?… à proximité de l’océan Indien… Un albatros peut plus facilement franchir des centaines de lieues sans se reposer que des milliers…