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un billet de loterie.


« Tu n’entres pas ?

– Une minute alors ! Il faut que je retourne ce soir à la maison, parce que je suis retenu demain matin pour une kariol.

– Eh bien, je te charge de dire à Joël que je compte aller le rejoindre. Qu’il m’attende donc.

– Demain soir ?

– Non, dans la matinée. Qu’il ne quitte pas Mœl sans m’avoir vue. Nous reviendrons ensemble à Dal.

– C’est convenu, dame Hansen.

– Allons, une goutte de brandevin ?

– Avec plaisir ! »

Le jeune gars s’était approché de la table, et dame Hansen lui avait présenté un peu de cette réconfortante eau-de-vie, toute-puissante contre les brumes du soir. Il n’en laissa pas une goutte au fond de la petite tasse. Puis :

« God aften ! dit-il.

God aften, mon garçon ! »

C’est le bonsoir norvégien. Il fut simplement échangé. Pas même une inclination de tête. Et le jeune gars partit, sans s’inquiéter de la longue trotte qu’il avait à faire. Ses pas se furent bientôt perdus sous les arbres du sentier qui côtoie la torrentueuse rivière.


Cependant Hulda regardait toujours la lettre de Ole et ne se hâtait pas de l’ouvrir. Qu’on y songe ! Cette frêle enveloppe de papier avait dû traverser tout l’Océan pour arriver jusqu’à elle, toute cette grande mer où se perdent les rivières de la Norvège occidentale. Elle en examinait les différents timbres. Mise à la poste le 15 mars, cette lettre n’arrivait à Dal que le 15 avril. Comment, il y avait un mois déjà que Ole l’avait écrite ! Que d’événements avaient pu se produire pendant ce mois, sur ces parages du New-Found-Land – nom que les Anglais donnent à l’île de Terre-Neuve ! N’était-ce pas encore la période de l’hiver, l’époque dangereuse des équinoxes ? Ces lieux de pêche ne sont-ils pas les plus mauvais du monde, avec les formidables coups de vent