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UN CAPITAINE DE QUINZE ANS

Mrs Weldon le prit à part et lui dit que peut-être pourrait-il laisser courir son grand enfant à droite et à gauche, mais à la condition de ne pas le perdre de vue. Il ne fallait pas sevrer complètement cousin Bénédict des plaisirs si naturels à son âge.

À sept heures du matin, la petite troupe reprit le chemin vers l’est, en conservant l’ordre de marche qui avait été adopté la veille.

C’était toujours la forêt. Sur ce sol vierge, où la chaleur et l’humidité s’accordaient pour activer la végétation, on devait bien penser que le règne végétal apparaîtrait dans toute sa puissance. Le parallèle de ce vaste plateau se confondait presque avec les latitudes tropicales, et, pendant certains mois de l’été, le soleil, en passant au zénith, y dardait ses rayons perpendiculaires. Il y avait donc une quantité énorme de chaleur emmagasinée dans ces terrains, dont le sous-sol se maintenait humide. Aussi, rien de plus magnifique que cette succession de forêts, ou plutôt cette forêt interminable.

Cependant, Dick Sand n’avait pas été sans observer ceci : c’est que, suivant Harris, on se trouvait dans la région des pampas. Or, pampa est un mot de la langue « quichua » qui signifie « plaine ». Et, si ses souvenirs ne le trompaient pas, il croyait se rappeler que ces plaines présentent les caractères suivants : privation d’eau, absence d’arbres, manque de pierres ; abondance luxuriante de chardons pendant la saison des pluies, chardons qui deviennent presque arbrisseaux avec la saison chaude et forment alors d’impénétrables fourrés ; puis, aussi, des arbres nains, des arbrisseaux épineux ; le tout donnant à ces plaines un aspect plutôt aride et désolé.

Or, il n’en était pas ainsi, depuis que la petite troupe, guidée par l’Américain, avait quitté le littoral. La forêt n’avait cessé de s’étendre jusqu’aux limites de l’horizon. Non, ce n’était point là cette pampa, telle que le jeune novice se la figurait. La nature, ainsi que l’avait dit Harris, s’était-elle donc plu à faire une région à part de ce plateau d’Atacama, dont il ne connaissait rien d’ailleurs, si ce n’est qu’il formait un des plus vastes déserts de l’Amérique du Sud, entre les Andes et l’océan Pacifique ?

Dick Sand, ce jour-là, posa quelques questions à ce sujet, et exprima à l’Américain la surprise que lui causait ce singulier aspect de la pampa.

Mais il fut vite détrompé par Harris, qui lui donna sur cette partie de la Bolivie les détails les plus exacts, témoignant ainsi de sa profonde connaissance du pays.

« Vous avez raison, mon jeune ami, dit-il au novice. La véritable pampa est bien telle que les livres de voyages vous l’ont dépeinte, c’est-à-dire une plaine