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CENT MILLES EN DIX JOURS

assez aride et dont la traversée est souvent difficile. Elle rappelle nos savanes de l’Amérique du Nord, — à cela près que celles-ci sont un peu plus marécageuses. Oui, telle est bien la pampa du Rio-Colorado, telles sont les « llanos » de l’Orénoque et du Venezuela. Mais ici, nous sommes dans une contrée dont l’apparence m’étonne moi-même. Il est vrai, c’est la première fois que je suis cette route à travers le plateau, route qui a l’avantage d’abréger notre voyage. Mais, si je ne l’ai pas encore vu, je sais qu’il contraste extraordinairement avec la véritable pampa. Quant à celle-ci, vous la retrouveriez, non pas entre la Cordillère de l’ouest et la haute chaîne des Andes, mais au-delà des montagnes, sur toute cette partie orientale du continent qui s’étend jusqu’à l’Atlantique.

— Devrons-nous donc franchir la chaîne des Andes ? demanda vivement Dick Sand.

— Non, mon jeune ami, non, répondit en souriant l’Américain. Aussi ai-je dit : Vous la trouveriez, et non : Vous la trouverez. Rassurez-vous, nous ne quitterons pas ce plateau, dont les plus grandes hauteurs ne dépassent pas quinze cents pieds. Ah ! s’il avait fallu traverser les Cordillères avec les seuls moyens de transport dont nous disposons, je ne vous aurais jamais entraîné à pareille aventure.

— En effet, répondit Dick Sand, il eût mieux valu remonter ou descendre la côte.

— Oh ! cent fois ! répliqua Harris. Mais l’hacienda de San-Felice est située en deçà de la Cordillère. Notre voyage, ni dans sa première ni dans sa seconde partie, n’offrira donc aucune difficulté réelle.

— Et vous ne craignez point de vous égarer dans ces forêts que vous traversez pour la première fois ? demanda Dick Sand.

— Non, mon jeune ami, non, répondit Harris. Je sais bien que cette forêt, c’est comme une mer immense, ou plutôt, comme le dessous d’une mer, où un marin lui-même ne pourrait prendre hauteur et reconnaître sa position. Mais, habitué à voyager dans les bois, je sais trouver ma route rien qu’à la disposition de certains arbres, à la direction de leurs feuilles, au mouvement ou à la composition du sol, à mille détails qui vous échappent ! Soyez-en sûr, je vous conduirai, vous et les vôtres, où vous devez aller ! »

Toutes ces choses étaient dites très nettement par Harris. Dick Sand et lui, en tête de la troupe, causaient souvent, sans que personne se mêlât à leur conversation. Si le novice éprouvait quelques inquiétudes que l’Américain ne parvenait pas toujours à dissiper, il préférait les garder pour lui seul.

Les 8, 9, 10, 11, 12 avril s’écoulèrent ainsi, sans que le voyage fût marqué par