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Page:Vernet - L Amour libre.djvu/10

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et quelquefois un désappointé : le mari, qui ne trouve pas en l’épouse celle qu’il avait cru deviner. Pourtant, les voilà attachés l’un à l’autre.

Et même, le mariage peut avoir eu pour base l’amour réciproque, et n’en pas moins devenir au bout de très peu de temps un fardeau pour les deux conjoints. C’est que cet amour n’était seulement qu’un désir que la possession a éteint ; et si les deux époux s’étaient donnés librement, avant la légalisation, l’expérience leur ayant prouvé qu’ils n’étaient point faits pour la vie commune, il est fort probable que cette légalisation n’aurait pas eu lieu. Ceci est une preuve en faveur de la nécessité de l’amour libre.

D’un désir l’amour peut naître, mais il n’est jamais possible de l’affirmer. Quand l’amour arrive aux sens après avoir passé par le cœur et le cerveau, il a beaucoup plus de chances de durée ; mais lorsqu’il a pour base le désir sexuel seulement, il risque fort de s’éteindre vite si pendant son existence, il n’a pu gagner le cerveau et le cœur.

Enfin — puisque je fais une étude analytique, je dois aller jusqu’au fond de la vérité je dirai que le désir sexuel seul peut unir fort longtemps deux êtres sans jamais faire naître l’amour complet.

Un homme et une femme peuvent avoir des relations intimes, sans jamais être rapprochés par autre chose que ce désir sexuel. Leurs sentiments et leurs pensées peuvent être en parfait désaccord, alors que leurs chairs vibrent à l’unisson.

Et ceci — je tiens bien à le faire observer — ne peut en aucune façon être comparé à la prostitution, puisque le sentiment qui rapproche ces deux individus — quoique exclusivement sensuel - est sincère de part et d’autre. Il ne peut y avoir de prostitution que là où il y a vente, contrainte, ignorance ou passivité. Là n’est pas le cas, puisque les deux amants sont attirés l’un vers l’autre par une même sensation, et qu’ils éprouvent plaisir et satisfaction dans la liaison librement acceptée de part et d’autre.

Mais la vérité de ce que je viens d’exposer amène la condamnation de la monogamie. En effet, de la diversité des sentiments naît la diversité des désirs, et si l’on admet cette diversité comme loi essentiellement naturelle on ne peut