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LA PEnCF.PTION DU n\THME

riche à ce quintuple point de vue en sensations agréables nous parait sui l'instant plus courte qu'une autre, plus longue au contraire dans le souve- nir. La traversée d'une oasis semble plus courte sur l'instant que celle d'un désert de même étendue, beaucoup plus longue dans le souvenir. 11 en est de même d'une heure remplie de travail intéressant ou de plaisirs variés, par comparaison h une heure vide. L'attente de la bien-aimée est intermi- nable, ne durât-elle que quelques minutes, et les moments passés avec elle l'uient pour ainsi dire en un clin d'œil ; mais dans notre mémoire, ceux-ci occupent une place énorme, tandis que celle-là s'efface. Un rêve d'une mi- nute dans lequel se déroule un multiple imbroglio d'événements divers, nous parait au moment du réveil aussi long qu'une année entière (i). Un quart d'heure de sensations pénibles, par exemple pour le malheureux sou- mis autrefois à la torture ou pour le candidat qui passe un examen, dure sur l'instant et dans le souvenir « toute une éternité » (2).

§ 82. Ainsi, le temps subjectif diffère grandement du temps objectif. Autrement dit, la mesure subjective du temps ne correspond guère à la réalité. Pour le mesurer plus ou moins exactement, nous sommes contraints de recourir à des mesures objectives: alternance des jours et des nuits, position du soleil, forme et position de la lune, cadrans solaires, horloges mécaniques, objets situés à des distances plus ou moins connues sur la route que nous parcourons, par exemple les bornes kilométriques, etc. Ces mesures objectives se rapportent toutes, comme on voit, à l'espace et au mouvement dans l'espace (0).

§ 33. Dans le rythme temporel, d'après la définition donnée, c'est au temps subjectif que nous avons affaire ; nous comparons les intervalles du temps par une mesure purement subjective. C'est ainsi, quand il s'agit du rythme intensif, celui de la musique, de la poésie et de la danse, que nous comparons les unités rythmiques déterminées par le retour du temps mar- qué. Comment mesurons-nous donc l'intervalle qui sépare deux temps marqués successifs? Si la mesure se faisait par une opération consciente de l'esprit, la réponse ne serait pas malaisée à donner. Il n'en est malheu- reusement rien, et il nous sera fort difficile de trouver et d'établir comment nous mesurons cet intervalle. Ce n'est pas par le nombre de sensations(4) : autrement, une mesure musicale d'une blanche et de deux noires nous paraîtrait plus longue qu'une mesure isochrone de deux blanches, et c'est plutôt l'inverse qui se produit quand nous percevons une différence de

(i) Cp.^26,30.

(2) Cp. § 26, 30.

(3) D'après M. de Cyon, nous mesurerions le Icmps avec l'organe de Corli, « Torgane du sens aritlimétiquc », qui nous donnerait la notion des nombres et des quatre opérations, grâce à la sen- siiiilité do chacune de ses fibres à une hauteur musicale particulière (das Ohrlabyrinth, ch. vu). Il y a trois objections : — i» Les phvsiologistcs ne sont d'accord ni sur la partie de l'oreille qui nous sert à percevoir la hauteur du son, ni sur son fonctionnement. 2° Comment expliquer le rapport entre la perception de la hauteur et la numération ? 3° Les sourds-muets savent mesurer le temps, ils savent compter et calculer — témoin M'ii^ ïlelen Relier (v. /. p.). Elle est même très sensible au rythme de la musique, qu'elle perçoit par des sensations d'ordre tactile.

(/,) Cp. §3i.