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LES RYTHMES FONCTIONNELS 4^

(les deux rvtlimes. En outre, si le chanteur se conforme toujours au rvthnie (lu cour, tout le monde serait capable d'aller en mesure, au moins (juand le tempo est laissé au gré de l'exécutant: ce n'est point le cas. Enfin, nous pcuivons adopter par un effort de volonté un rythme quelconque, et notre volonté ne saurait agir aussi arbitrairement sur le lythme du co^ur, qu'elle ne modifie jamais directement. Ainsi, quand un chef d'orchestre se met à battre la mesure d'un largo, d'un allegro, etc, quand il passe brusque- ment de l'un à l'autre, on ne peut guère admettre que ses coups de baguette reproduisent le battement de son conir. Le cœur ne s'adapte au rythme perçu ou adopté que par degrés plus ou moins rapides: ce n'est donc pas forcément à l'aide des pulsations que nous le percevons ou l'adoptons. Ea (juestion, d'ailleurs, n'a été posée qu'en termes vagues : ce n'est pas tout (le dire que nous mesurons les unités rythmi([ues à l'aide des pulsations, il faut encore expliquer comment nous les mesurons. Le rythme du ca>ur est un rvthme intensif : pour que le rythme intensif de la musique ou de la poésie soit ré<'lé par lui. il faut ([u'il y ait concordance entre les temps marqués des deux rvthmes ; il faut que l'intervalle compris entre deux pulsations corresponde à la durée de la mesure simple ou du pied. Ce n'est pas toujours possible : taiiti)t cette durée est trop brève, surtout en poésie, tantôt elle est trop longue (i). Ensuite, quand le rythme de la musique ou de la poésie est inégal, comme dans la mesure à 5/8 (3/8 -|- 2/8, v. ex. )'" du !:5 ()) ou dans le dochmius (3/8 + 3/8 -|- 2/8, v. ex. j:'" du § 9), le co'ur ne peut évidemment boiter ainsi. Quant aux unités supérieures du rvthme musical ou poétique, mesures composées ou dipodies et tripodies. mesures surcomposées, hémistiches et vers, elles sont d'ordinaire beau- coup trop longues pour correspondre à l'intervalle de deux pulsations (2). On pourrait admettre, il est vrai, que le retour isochrone du temps marqué principal se détermine en additionnant les mesures simples ou les pieds. Mais cette hvpothèse est certainement fausse : les unités composées sont en o-énéral plus proches de l'isochronisme que les mesures simples ou les pieds dont elles se composent. Ainsi donc, même si les pulsations pouvaient indirpier le retour des temps marqués secondaires, elles ne signale- raient pas celui des temps marqués principaux. Il en résulte que dans l'évaluation des intervalles rvthmi([ues nous avons une autre mesure du temps que le battement du cœur. Le même raisonnement s'applique aux mesures simples et aux pieds si l'on suppose que le rythme des pulsations

Ci) Chez l'adiillc, les pulsations sont en moyenne de 70 à 72 par minute, avec des écarts indi- viduels, oscillant entre Oo et 80. Au-dessus et au-dessous do ces cliiffres, le rythme est anormal. Toutes sortes de causes, en particulier les émotions morales, le retardent ou, plus souvent <n- (ore, l'accél.'rcnl. Chez les sujets émotifs, cette accélération peut atteindre une fréquence de 1 10 à 120 par minute. Les pieds dissyllabiques ont une durée moyenne de 5o à 60 centii'mes de seconde : si le cœur suivait ce rythme, ce serait la fièvre. Les mesures musicales simples durent souvent 2, 3 ou '4 secondes, quelquefois davantage; le cœur ne saurait battre aussi lente- ment.

(2) Les dipodies de pieds dissyllabiques, une environ par seconde, exigeraient <léjà un ralen- tissement du cœur; pour les vers, comme pour les mesures composées de la musique, ce serait bien pis encore. Et puis comment mesurerions-nous alors les pieds et les mesures simples ?