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CHAPITRE XI INSUFFISANCE DU SENS DU RYTHME

A. — ERREURS ACCIDENTELLES.

§ 6i. Quand on veut régler son pas d'après une amplitude eluue vitesse données, on n'v arrive le plus souvent qu'en tâtonnant et après plusieurs essais ; souvent aussi on perd ensuite le pas. Il en est de même dans l'adap- tation de notre sens du rythme à un rythme donné, en musique par exemple ou en poésie, d'autant plus qu'ici l'adaptation est presque toujours incon- sciente, au moins en partie. A ce point de vue, la musique a un grand avantage sur la poésie. Si peu qu'il soit instruit des règles de son art, si peu qu'il y ait réfléchi, le chanteur sait au moins qu'il doit « aller en mesure ». Il ne peut manquer de s'en apercevoir quand il chante avec un autre ou même quand il chante en marchant. Quiconque a quelque peu étudié la théorie de la musique est tout à fait renseigné sur ce point. C'est avec le plus grand soin que les professeurs de chant et de solfège, aussi bien que de musique instrumentale, exercent leurs élèves à cet égard. Cependant beaucoup de chanteurs, de musiciens, hésitent encore un peu dans les pre- mières mesures d'un solo, jusqu'à ce que leur sens du rythme se soit entraîné et accomodé à la mesure — un mouvement d'horlogerie met bien lui-même quelques secondes ou fragments de seconde à se régulariser; s'il s'agit d une phrase détachée, leur sens du rythme sera encore bien davantage pris au dépourvu. Quand on dit des vers, on ne se doute même pas qu il faut aller en mesure, bien que parfois on batte la mesure incon- sciemment. On se laisse tout simplement entraîner par le rythme. Même si dans la lecture d un texte en prose on rencontre par hasard un passage qui ressemble à un vers par le nombre et l'accentuation des syllabes, on a quelque peine à ne pas le rvthmer comme un vers. Encore faut-il qu'on ait développé chez soi le sens du rythme et qu'on soit habitué à la versification de la langue. Autrement, on lira au contraire et ce passage et même un vers isolé comme de la simple prose. Mais on comprend que même les mieux exercés ne marquent pas sans quelque incertitude le rythme des pre- miers pieds dans la lecture d'un poème inconnu, surtout si le mètre a quelque chose d'insolite.