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6'i LV PERCEPTION DU HYTIIME

i; 62. Quand le temps marqué ne l'est pas très nettement, comme il arrive parfois, l'auditeur et même le chanteur ou le diseur peuvent hésiter, surtout au début. Aussi les chefs d'orchestres et d'orphéons recomman- dent-ils de « bien attaquer ». J'ai déjii montré à travers quel chaos appa- rent notre sens du rythme arrive à le percevoir dans la musique et dans la poésie. Non seulement le travail de l'attention devient très délicat au milieu de ce désordre ; il pourra encore être troublé par l'intensité, le nombre, la complexité et la variété des sensations auditives. Comme ces conditions déterminent notre représentation ordinaire de la durée (v. § 3i), nous pou- vons nous laisser entraîner par leur influence à nous défier des avertisse- ments que nous donne le sens du rythme ou plutôt à les enfreindre machinalement. Une durée partagée nous parait plus longue qu'une durée non partagée (i): beaucoup, quand elle la précède; assez peu, au contraire, quand elle la suit (2). Toutes choses égales d'ailleurs, une durée brève nous parait plus brève après une durée longue (3). Autrement, les courts intervalles de temps nous semblent d'ordinaire plus longs qu'en réalité, et les longs plus courts (4). Plus les sons d'une série isochrone sont forts, plus ils semblent se succéder rapidement (5). Il en résulte qu'un crescendo nous semblera presque toujours accompagné d'un accelerando, même quand nous ne changeons pas le mouvement; si nous le ralentissons dans de faibles limites, nous ne nous en apercevons pas; si nous l'accélérons, l'accélération nous paraîtra plus grande qu'elle n'est en réalité. Les sons nous semblent d'autant plus longs qu'ils sont plus forts (6); qu'un son plus intense survienne dans une série, l'unité ryth- mique précédente nous semblera plus brève et la suivante plus longue (7) : dans ces deux cas, nous pourrons être tentés d'abréger en conséquence les durées subjectivement prolongées. A durée égale, plus une unité ryth- mique nous procure de sensations auditives, plus elle nous paraît brève sur l'instant, du moins en général (v. § 3i) (8). Dans un vers anglais, un pied rempli par une seule svllabe ou par une syllabe et un silence pouna donc nous sembler plus long qu'un autre, surtout si cette syllabe unique est plus intense que d'ordinaire : nous serons portés à abréger l'unité ryth- mique. D'ailleurs, ces diverses influences peuvent se combiner, se contre-

(i) V. Wundt, Psychologie, p. 177, Phys. Psych., III, p. /j8 et suiv. ; cp. § 26, 3".

(2) Meumann, (Wundt) Philos. Stadien. X, p. 3i2. La nature de l'illusion varie avec la crandeur de l'intervalle (v. Meumann, ib , XII, p. 1/12 et suiv.. Wundt, Phys. Psych., III,

p. 57).

(3) Cp. § 26, 20.

(4) Y. Wundt, PhYS. Psych., III, p. ^-^ et 498. Cp. p. 32, note i.

(5) V. Meumann, 16., IX, p. 269 et suiv., ÎSichols, Amer. Joiim. of Psych., IV, p. 83 et suiv.

(6) V. p. 55, note 2.

(7) V. p. 5t, noie I, et cp. Wundt, Physiol. Psychol.. III. p. 58 et suiv.

(8) Cp.: So Z. B. hat man, wenn man cin Pferd reitcl, welches einen sehr langsamen Trab geht und mitliin grosse abersellene Sclirille machl, die Empfindung einer sehr langsamen Be- •we.'un"; walireiid ein Plerd, de^sen Schritte haufiger abcr kûrzer sind, uns die Emptindung einer raschen Bewcgung erteilt, obgleich im Grunde das erslc Pferd uns sehr viel schneller ■weiter befordert (De Cyon, Das Ohrlabyrinth, p. G2).