Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

6/| LA PEnCEPTION DL IIYTIIME

jeune impulsive par les notes d'une valse. C'est évidemment là ce qui se passe aussi quand on marque du pied la mesure en entendant jouer un orchestre. Cette participation des rythmes fonctionnels ou moteurs au rythme musical et poétique se produit ainsi d'une manière spontanée, ins- tinctive, réflexe (i). Mais elle en accroît l'action sur notre sensibilité. Il est certain qu'elle peut aussi lui servir de contrôle. Le sens du rythme pro- prement dit, le pouls adaptable de l'attention, a pour coadjuteur la sensa- tion cinétique et dynamique du mouvement, avant tout du mouvement des muscles expirateurs, qui s'adaptent forcément au rythme adopté et peuvent le produire machinalement quand il ne varie pas. Si je cherche à donnera mon pas une amplitude et une vitesse déterminées, j'aurai quelque peine à y réussir et je perdrai peut-être bientôt le pas. Si je m'adjoins un cama- rade de marche, nous aurons plus de succès que chacun à part: forcés d'a- juster nos mouvements l'un sur l'autre, nous nous contrôlerons et nous nous guiderons réciproquement. Encore est-il probable que nous aurons recours au sens du rythme proprement dit, en répétant sur un rythme correspon- dant au pas adopté deux nombres ou deux mots, tels que « une, deux », ou (( paille, foin » (2).

§ 65. Nous battons réellement la mesure, au sens propre du mot, quand nous répétons un mouvement pour indiquer à plusieurs personnes lervthme qui nous est inspiré par l'émotion ou la réflexion et que nous désirons leur voir suivre. Si nous cessons, il est h peu près certain, non seulement qu'elles sortiront bientôt du rythme indiqué mais encore qu'elles s'en écar- teront chacune d'une manière légèrement différente (3). Ce serait bien pis encore si elles n'étaient pas guidées l'une par l'autre, grâce au son de leurs voix ou de leurs instruments Çli). Il est, à ce propos, une expé- rience amusante, qui montre à quel degré, plus ou moins grand suivant les

(i) So strong is Ihis impulse in ail classes of peoplc thaï no one is able to listen to music in which the rhythm is clear and slrong without making some kind of muscular movement (Bol- ton, l. c, p. i63). All the muscles of the body seem to point toward the source of the sound. They alternately contract and relax (/6., p. 212). Même quand c'est un simple rythme de per- cussions, on est irrcsisliblement poussé à l'accompagner d'un mouvement du pied, de la main, de la tête, du buste, du diaphragme, de la poitrine, de la racine de la langue, du larynx, des paupières (76.. p. 234)- V. I™ Partie, § 35.

(2) On peut cependant vraiment battre la mesure au début d'un morceau de musique, avant qu'intervienne l'émotion suscitée jDar les sons : on se donne la mesure. Mais même alors on compte I, 2,3, /j, par exemple, en rythmant ces nombres : c'est donc encore le rylhme vocal qui mène.

(3) Dans une marche, le rylhme est indiqué en grande partie par le pas, par le tambour, clc. Dans les théâtres grecs, le chef d'orchestre avait au pied une sorte de petit banc en bois Q/.oo'j- Tzi'^ix'., [3otTa).ov, scabelliim), afin de battre la mesure avec bruit.

(4) Que la mesure soit battue par le chef d'orchestre, indiquée par le pas, donnée par le tam- bour ou imposée par le concours de tous les instruments ou de toutes les voix, il est probable que malgré tout la coïncidence des temps marqués n'est jamais parfaite. Mais pourvu que les différences ne dépassent pas certaines limites, elles nous échappent. Quand on nous appuie sur le front les deux pointes d'un compas à une distance assez faible l'une de l'autre, les deux im- pressions tactiles se confondent en une seule. De même deux sensations auditives rapprochées; il y a au moins imbrication.