Page:Verrier - Essai sur les principes de la métrique anglaise, 2e partie, 1909.djvu/75

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individus, notre sens du rythme est malgré tout imparfait, surtout quand il ne s'applique pas aux sons. On place deux personnes dos à dos au milieu d'un salon, ou plutôt à quelque distance lune de l'autre, et on leur demande de battre la mesure de la main sur un rythme qu'on leur indique de la voix. Quelques secondes après qu'on s'est tu, elles ne vont plus d'accord.

§ 66. Nous avons besoin de développer notre sens du rythme pour bien percevoir et surtout pour bien observer le rythme dans le chant, la musique instrumentale et la diction poétique. Aussi y a-t-il relativement peu de personnes qui sachent bien dire les vers. Généralement, on sacrifie trop le rythme à la déclamation, Les poètes, eux, le marquent toujours. J'ai cité dans la Première Partie Tennyson, Swinburne et M""^ Duclaux (i). Victor Hugo accentuait avec force, insistait sur les rimes et s'arrêtait à la fin du vers, même avant un enjambement. Banville demande qu'on lise les vers « bêtement », c'est-à-dire qu'on se laisse guider par le rvthme sans chercher à souligner le sens par la « déclamation «. En effet, d'après la notation de Pierson (v. § 12), nous voyons que le rythme et surtout le mètre ressortent mieux quand on dit les vers « sans expression ». Je crois, cependant, que l'expression naturelle et par là même vraiment artistique s'accommode très bien avec le rythme ; bien plus, que le rythme et l'expression se soutien- nent mutuellement, se mettent en relief et pour mieux dire encore se con- fondent (2).

§67. Une des causes de transformation accidentelle les plus fréquentes, a déjà été signalée à propos du rythme spatial (v. i; 2G, 1"): si le rythme indiqué ou voulu me semble rapide, j'aurai peur d'aller trop lentement et. sans m'en rendre compte, j'abrégerai progressivement la durée des unités rythmiques; ce sera l'inverse si le rythme donné me parait lent. Ici encore, c'est le premier cas qui est sans aucun doute le plus fréquent, en partie pour les mêmes raisons ; mais il y en a d'autres, par exemple le besoin de respirer, qui nous pousse à accélérer le mouvement (3).

§68. Quand la vitesse des vibrations lumineuses ou sonores dépasse un maximum ou n'atteint pas un minimum, nous ne percevons plus de lumière, plus de son. Il est probable que nous sommes également incapables d'adapter le pouls de l'attention à l'unité rythmique quand elle dépasse un maximum ou n'atteint pas un minimum. D'autre part, deux sensations auditives trop rapprochées se confondent en une seule, de même que les sensations tactiles produites par les pointes trop rapprochées d'un compas (^). Inversement, si elles sont trop éloignées, la première est complètement effacée de la mémoire quand parait la seconde : nous ne sentons plus qu'il y a répétition, et le rythme ne se perçoit pas (5). Il ne faut

(i) V. Ire Partie, § 168.

(2) Cp. !'•'= Partie, ^87.

(3) V. nie Partie.

(^) ^ . p. 6'i, note 4- Cjj. Wundt, Pliys. Psvch., III. p. 2a cl siiiv.. p. '|.^ cl suiv. (ô) Cp. Wiinilt, 16., p. 22, 25, :'j8-4y et 355. \ erkier. Métrique anglaise, II.