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LE RTTIIME ARTISTIQUE 85

onteiulu, nous roprocliiisons, au moins en imagination, les pas de la danse. Xous sentons parfois dans nos muscles une esquisse d'imitation, le besoin (limiter. Dans le second des cas cités, si nous sommes danseurs, « les jam- bes nous démangent ». Cette imitation au moins esquissée, cette activité en puissance de notre organisme se conlorme évidemment aux gestes et aux paroles que nous voyons ou entendons, elle en répète le caractère spécial, {intensité, la rapidité, et par l'action inéluctable de la mimique sur la sen- sibilité elle contribue à provoquer en nous l'émotion qu'ils expriment. Diapason semblable, nous vibrons spontanément à l'unisson de l'autre dla- |)ason(i). Il se peut alors que, l'émotion une fois provoquée de la sorte et renforcée par la représentation, nous achevions l'imitation esquissée. Vovez une troupe d enfants : l'un d'eux se met-il ii gambader ou à crier de joie, tous 1 imitent, souvent sans savoir pourquoi. « Quand un gendarme rit dans la gendarmerie, tous les gendarmes rient dans la gendarmerie ». Nous som- mes tous gendarmes sur ce point. « La joie est contagieuse », les larmes aussi.

i; 88. Mais notre imitation réagit à son tour sur celui que nous imitons et renforce encore son émotion. Aussi chacun de nous éprouve-t-il le be- soin de « faire partager » sa joie et sa peine ; Il cherche ainsi Instinctive- ment à les augmenter. C'est aussi vrai de la peine que de la joie, soit que l'on se complaise dans ses « chères douleurs », soit qu'on veuille instincti- vement les épuiser par l'excès. « Peine partagée n'est que demi-peine », toute consolation ii part, parce qu'on est deux à l'exprimer et que dans cette expression renforcée elle trouve mieux sa katJiarsis. C'est là qu'il faut voir l'origine de tous les arts. Le poète, le musicien et le peintre exaltent leurs émotions en les exprimant sous forme de sons ou de couleurs, non seulement par cette expression, qui réagit d autant plus fortement sur eux c[u'elle est extériorisée et permanente, mais encore par la communication, léelle ou supposée, de ces émotions aux autres hommes. Le poète moderne, qui compose dans le silence du cabinet, sent plus ou moins vaguement tous ses semblables palpiter au rythme de ses vers, l'humanité tout entière ou seulement quelques « âmes soeurs », seulement le cœur de l'Ami ou de l'Amie. Mais c'est bien à l'humanité entière qu'il songe presque toujours, it l'humanité future comme à l'humanité contemporaine. Je pourrais citer Ronsard (2), Corneille (3), Lamartine (J\), Musset (5), Baudelaire (6), Sha- kespeare (7) — et bien d'autres. Je préfère prendre un exemple encore plus près de nous :

(i) V. l'-c Partie, ^ 30.

(2) Sonnets à Hélène, pnssim.

(3) .1 une Marquise. (Jx) A Elvire.

(5) Le Péliran.

(6) « Je te donne ce< vers afin (jiie si mon nom... »

(7) Sonnets XV. XVF. XVIt, XVIII, XIX, XXVIII, LIV, LV. LX, LXIII, LXV, etc. Ex. (sonnet XIX) :

\et do thy worst, old Time : despito Ihy wrong, My love sliall in my verse ever live young.