Page:Vers et Prose, tome 11, septembre-octobre-novembre, 1907.djvu/106

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J’ai vu le féroce Amour :
ses yeux changeants mentaient ; ses mains rouges
fouillaient des cœurs et son rire perlait du sang…
Oh ! son rouge rire éclatait de sang !
Sur les cités, sur les campagnes
il passait comme un cyclone, cinglant
du fouet son troupeau tremblant —
pauvres brebis que nul chien n’accompagne,
marquées de rouge pour un trépas cruel et lent.

J’ai vu le hideux Amour :
des roses éclaboussaient de sang
les serpents de sa chevelure verte ;
sa poitrine ouverte
montrait un cœur pourri, suppurant ;
ses yeux brûlaient, sans réchauffer,
brûlaient de convoitises basses ;
sa bouche bavait son désir avorté
et sa main lasse
cherchait, tâtonnante, un geste ancien de volupté.

J’ai vu le stupide Amour :
rose d’un sourire extatique et niais,
applaudi des pitres et des courtisanes,
il couronnait la Tête d’âne
et Bottom, chatouillé d’orgueil, vers lui brayait.

J’ai vu Celui que les fous nomment Amour,
celui-là qu’on ne voit qu’en songe
et dont la voix lointaine prolonge
en nos âmes sa douceur infinie.