Page:Vers et Prose, tome 11, septembre-octobre-novembre, 1907.djvu/109

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Tous masques arrachés, hors celui qui ne ment
Qu’à lui-même, celui qui jamais ne se lève,

« Parce qu’il fut scellé dans l’âme et dans la chair,
Au point d’être enfin cette âme et cette chair même —
Pauvre masque vivant et douloureux qui aime
Et pleure ! Pauvre masque aveugle, qui voit clair !

« Ils vont… Ils ont cassé les ancres et les tiges,
Soulevés vers le Rythme invisible, là-haut,
Plus haut toujours, puisqu’il le veut, puisqu’il leur faut
Son extase berçante et son troublant vertige,

« Jusqu’aux abîmes éblouis, jusqu’aux sommets
Sidéraux, défiant les obstacles, les armes,
Éternels enivrés de désirs et de larmes,
Sans savoir, sans vouloir… Oh ! les suivre à jamais !…

« Eh bien, lève-toi donc, malade ! Marche, vole,
Sois le navire ailé qui s’exalte aux écueils,
Pars !… J’ai mué ta voile en un voile de deuil.
Bois !… J’ai tari la Source et j’ai brisé la Fiole.

« J’offre à tes pieds meurtris les sables infinis,
saturés de soleil, veufs d’arbres et de nids ;
à tes yeux, que mira l’onde en ses claires courses,
les immobilités froides de la Grande-Ourse
attestant l’Univers sans âme autour de nous ;
à ta soif l’air qui brûle… et, pour que tu sois fou,
prends ceux-ci, dont le maléfice noir enchante
et consume, en l’éternisant, l’heure méchante,
ceux-ci par moi dosés pour toi seul, mes poisons
favoris, les futurs hôtes de ta maison :