Page:Vers et Prose, tome 11, septembre-octobre-novembre, 1907.djvu/110

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le Soupçon, qui frappe au cerveau, qui rampe et ronge
pour entrer — Chasse-le, il violera tes songes,
car il se fait succube et va venir, la nuit,
s’accroupir sur ta gorge — et celle qui le suit,
la Jalousie, ardente et dolente, qui veille
à ton chevet pour te chuchoter à l’oreille
un nom cent mille fois répété, détesté,
puis tous les noms… et tu n’es plus que le Hanté.
Elle va vivre en toi, la pâle Jalousie,
inquiète, l’œil fixe, entre toutes choisie
pour saper lentement de ses outils muets
ta raison… Oh ! regarde, écoute… un coup de fouet,
un bruit de roue, un pas qui sonne dans la rue,
et tu tressailles, dis ? et tout ton sang se rue
à ton cœur, soudain lourd, et que d’étranges feux
dévorent… Des frissons… Plus de souffle… Tu veux
lutter, t’enfuir… La Stryge pâle te possède…
Elle a vaincu… Déjà tout chancelle, tout cède
et s’écroule… Plus rien !… Alors, triste insensé
qui cherches à tâtons des débris de Passé
en parlant avec des spectres sous des décombres,
ton désespoir sanglote éperdument vers l’Ombre
éternelle, muette et sourde, qui endort
les râles d’agonie et les spasmes de mort »…

Ainsi parlait mon amour, mon cruel Amour,
et il s’est tu.

J’avais rêvé, je crois…

Je suis seul — oh ! si seul ! — dans ma chambre…
Tout à l’heure