Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peu. On se demande s’il est bien vrai qu’un oriental ne puisse ouvrir la bouche sans faire un proverbe ou sans emprunter une image à l’histoire naturelle. Mais cette couleur locale est si bien disséminée dans toutes les parties du récit qu’on ne songe pas tout d’abord à la trouver excessive.

Elle ne laisse jamais, d’ailleurs, oublier l’essentiel : les caractères.

Déjà dans le récit biblique Akhab est un grand enfant barbare : parce qu’un homme a résisté à son désir, il se met sur son lit, tourne le front contre le mur, refuse de manger[1]. Leconte de Lisle accroît la puérilité de sa colère : il lui fait dénouer ses cheveux, saigner la bouche sous la morsure furieuse de sa dent.

Des mains du poète, le voleur de la vigne sort tout à fait digne d’entrer dans le chœur des rois les plus barbares.

La Bible conte qu’après la défaite de Benabad, roi de Damas, ses serviteurs se présentèrent devant le roi d’Israël, le sac aux reins et la corde au cou, demandant merci pour leur maître et offrant son alliance. Akhab les accueillit fort bien et conclut avec son ennemi un traité d’alliance. Leconte de Lisle lui fait, au contraire, massacrer les suppliants :


J’ai, d’un signe, en leur gorge étouffé la prière ;
L’écume de leur sang a rougi les hauts lieux,
Et j’ai nourri mon chien de leur graisse guerrière.

  1. Rois, III, xxi, 4.