Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/51

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il substitue un barde qui sache résister jusqu’au bout. Il lui donne un nom et un aspect dignes de son rôle, et dans le cœur de Murdoc’h aux longs cheveux il loge une volonté intraitable.

L’idée du personnage a pu lui être inspirée par un épisode de la Légende dorée (xie siècle) où l’ont voit l’ancien maître de Patrice refusant de courber le front sous la main de celui qui avait été son esclave, et se tuant,

L’orgueil de Murdoc’h a une autre noblesse. Par la bouche de son héros, comme il l’a fait par celle du Runoïa, le poète regrette toute la poésie, toute l’héroïque énergie du siècle des épées :


Et vous, assauts des forts, ô luttes des meilleurs,
Cris de guerre si doux à l’oreille des braves !
Étendards dont le sang retrempait les couleurs !

Cœurs libres, qui battiez sans peur et sans entraves !
Esprits qui remontiez noblement vers les Dieux,
Dans l’orgueil d’une mort inconnue aux esclaves !


Ce à quoi Murdoc’h tient, c’est à ne point être séparé de ses pères. Il se dit heureux de songer qu’il mourra bientôt et qu’il s’en ira rejoindre l’âme des Finns dans la selle où elles siègent la coupe au poing.

— Insensé, lui crie Patrice, il n’y a pas d’autre ciel que celui de mon Dieu, qui le réserve aux humbles.

— Où sont donc mes pères ?

— Où les païens sont tous : Dieu les a balayés dans les ardentes tortures, pour l’éternité.