Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/89

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gonie polynésienne[1], et renvoyait ses lecteurs au livre de Mœrenhout : Voyages aux îles du grand Océan, Paris, 1837.

Mœrenhout, consul des États-Unis aux îles océaniennes, avait appris que dans l’île de Raïatéa un vieux prêtre conservait la tradition de sa race. L’indigène consentit à déclamer devant lui, fragments par fragments, les chants où s’exprimait sa foi[2]. De sa bouche ils ont passé, fidèlement traduits, dans le livre de Mœrenhout, et de celui-ci, présentés avec plus d’ordre, mais à peine altérés, dans le poème de Leconte de Lisle.

Les obscurités ne manquent pas dans ces chants cosmogoniques, ni les contradictions. Mais cette croyance pourtant s’en dégage : c’est que Dieu n’est pas distinct de l’univers.


Il était : Taaora était son nom ; il se tenait dans le vide. Point de terre, point de ciel, point d’hommes. Taaora appelle ; mais rien ne lui répond ; et seul existant, il se changea en l’univers. Les pivots sont Taaora ; les rochers sont Taaora ; les sables sont Taaora… Taaora est la clarté ; il est le germe ; il est la base.


Taaora est l’être unique. Il existait avant l’univers actuel. Mais cet univers n’est encore que Taaora. La matière, c’est lui. Il est aussi la lumière qui a mis la matière en mouvement.

Leconte de Lisle a ainsi la satisfaction d’opposer à

  1. Maury, Histoire des Religions de la Grèce antique, Paris, de Lestrange, tome 1, 1857, p. 171, note 3 et p. 92, note 2.
  2. Mœrenhout, t. I, p. 419-433.