Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/91

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Résolument, Leconte de Lisle désencombre la cosmogonie scandinave de ce qui l’obscurcit, et l’embarrasse. Il conserve très peu de noms. Il ne retient que l’essentiel, et l’essentiel, c’est ce qui fait apparaître au fond de la légende des conceptions chères au poète.


Avant toutes choses, et après elles, il y a le destin, qui régit l’homme et même les dieux.

Il fut un temps très long pendant lequel rien n’était encore que l’abîme original où les germes nageaient. Puis, naquirent le sombre Ymer et ses fils, les Géants. Ils méditaient d’entraver l’éclosion des dieux. Mais déjà était née la vache céleste. Elle éveilla et nourrit le roi des Ases, qui dormait. Ayant bu la vie immortelle aux mamelles sacrées, il engendra les purificateurs du chaos ; ils massacrèrent Ymer et de ses membres firent l’univers.

Aujourd’hui, c’est le règne pacifique et heureux des Ases. Échappé au naufrage des siens, Loki, dernier fils d’Ymer, est enchaîné dans les antres. Impuissants sont aussi le Serpent, et le Loup Fenris, et le noir Surtur. Le meilleur des dieux, le bon Balder est né.

Il est né. Mais rien n’est éternel, rien n’est immuable. Le monde jailli du gouffre y rentrera. Loki, le Serpent, le Loup, Surtur se rueront au jour. La Terre s’enfoncera dans le noir Océan.

    tobre 1858). Or La Légende des Nornes paraît le 15 mai. Dès lors, je crois qu’on peut faire cette hypothèse : les Chants de Sôl ayant attiré vers mars 1858 l’attention de Leconte de Lille sur les ouvrages de Bergmann, il lut, ou relut, la traduction que celui-ci avait donnée de la Voluspa en 1838, et c’est après cette lecture qu’il conçut la Légende des Nornes. J’ai déjà constaté que souvent un de ses poèmes est suscité par la lecture d’un livre nouveau.