Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/92

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Pour peu qu’ils soient familiers avec les livres de Ménard et des mythologues de ce temps-là, les lecteurs ont vite compris quelle histoire du globe Leconte de Lisle retrouve dans cette cosmogonie.

Ymer et ses fils symbolisent pour lui ce monde cahotique et formidable, fait de volcans et de glaces, qui précéda le nôtre et du débris duquel le nôtre est né en effet. Il symbolise en même temps sans doute les barbaries des premiers habitants de la terre.

Le monde actuel, physique et moral, naquit par le développement des puissances bienfaisantes, représentées par les Ases, et qui surent se nourrir au lait de la nature. Mais si les puissances mauvaises, que les Scandinaves ont symbolisées dans des animaux horribles, sont enchaînées, elles se réveilleront, et la Terre mourra, bien qu’elle ait produit Balder, le meilleur des dieux, qui symbolise le progrès des sciences et de la morale.

La Voluspa prédit une résurrection que Leconte de Lisle a cru devoir supprimer. Ce qu’il a retenu du vieux poème, ce qu’il en a dégagé, c’est une histoire de la terre et de l’humanité, où, au fond de légendes bizarres, apparaissent des conceptions qui lui semblent s’accorder avec les siennes. La genèse scandinave, comme la genèse polynésienne, lui plaît de contenir en germes la genèse du monde telle que lui-même l’imagine avec d’autres penseurs de son temps.