Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En résumant dans ce beau vers l’œuvre de Valmiki, Leconte de Lisle dit clairement que, dans la colossale épopée, il s’est intéressé à ce qu’elle a de plus humain. Les deux poèmes qu’il en a tirés, l’Arc de Civa et Cunacépa, en sont aussi la preuve, car ils sont tous deux empruntés à la première partie du Ramayana, qui en est de beaucoup la plus pathétique.


Le vieux roi Daçaratha a trois fils. Le plus beau, le plus vaillant, le plus sage est l’aîné, Rama. (Une partie du poème, qui n’est point de Valmiki et qui est même sans doute fort postérieure aux autres, fait de Rama, tant il a de vertus, une incarnation de Visnou.) Le roi songe à sacrer le fils qui est son orgueil, et le peuple applaudit à son dessein. Les préparatifs se font. Mais la plus aimée des femmes du roi forme le projet de déposséder Rama au profit de son fils à elle. Elle enjôle le prince, qui s’engage par serment à satisfaire le caprice de la favorite, quel qu’il soit : doit-il briser les chaînes d’un coupable, faire tomber la tête d’un innocent, enrichir un pauvre, réduire un riche à la disette ? Le vieillard, affolé d’amour, est prêt à tout. Quand elle l’a ainsi enveloppé dans « le réseau du serment », Kékéyi fait connaître son désir : que son fils Bharata reçoive l’onction royale, que Rama soit exilé dans les bois pendant quatorze ans. Le roi est atterré. Vainement éclate-t-il en imprécations contre la perfide, vainement se roule-t-il ensuite à ses pieds. Elle demeure inflexible. Il faut donc qu’il soit fait selon sa volonté, car le roi a promis et pour un indien rien n’est sacré comme une parole donnée.