Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/23

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Rama, mandé au palais, s’y rend triomphalement ; mais, au lieu de la couronne, il reçoit un ordre d’exil. Sans un murmure, il s’incline : le roi a donné sa parole ; elle doit être tenue. Il va consoler sa mère, son frère Laksmana, sa femme Sita, et leur fait ses adieux. Mais son frère s’offre aussitôt pour être le compagnon de son exil. Sa femme ne veut pas être séparée de lui, et c’est entre les deux époux une noble lutte de générosité. Sita dit :


Séparée de toi, je ne voudrais pas habiter dans le ciel même ; je te le jure, noble enfant de Raghou[1], par ton amour et ta vie !…

Pour une femme de bien, ce n’est pas un père, ni un fils, ni une mère, ni un ami, ni son âme à elle-même, qui est la route à suivre : non ! son époux seul est la voie suprême…

Mon père, ma mère et tous mes parents, digne enfant de Raghou, ne m’ont-ils pas laissée dans tes mains en me donnant ce précepte : Tu ne dois pas avoir une autre habitation que celle de ton époux[2].


Et Sita se réjouit, ou feint de se réjouir, à la pensée de tous les plaisirs qui l’attendent : quel amusement de voir des fleuves nouveaux et de visiter des montagnes inconnues, de se plonger dans des eaux transparentes où des peuples de cygnes se jouent entre des lotus, et d’habiter dans des forêts embaumées par des fleurs délicieuses !

Mais Rama, à ce tableau enchanteur forgé par l’imagination de Sita, oppose l’affreuse réalité dans une vivante des-

  1. Ancêtre de Rama.
  2. Ramayana, poème sanscrit de Valmiki mis en français par H. Fauche, Paris, Franck, 1854, t. II , p. 159-161.