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XL.
Comment la cité de Genne fu destruite[1].

Tant ala l’ost de France qu’il vindrent à Parpignan ; si se conseilla le roy par quel part il pooit miex entrer en Arragon. Si li fu conseillié[2] que son ost alast tout droit à Genne[3] l’orgueilleuse, pour ce que elle se tenoit à Pierre de Arragon, et elle estoit et devoit estre à la seigneurie le roy de Maillorgues, et que l’en se tournast celle part. Celle terre est assise en la terre de Roussillon et en la contrée. Quant le roy de France sot que le roy d’Arragon avoit tollu et soustrait à son frere celle terre, si commanda que l’en alast celle part. Ceulz de Gennes s’apperçurent bien et virent que l’ost venoit vers la cité ; si serrerent les portes et coururent es murs et aus deffenses, et monstrerent qu’il la vouloient tenir et deffendre.

Tantost que le roy fu venu, l’en commanda que l’en alast à l’assaut[4]. Ceulz dedenz se deffendirent bien et viguereusement, si que nulle riens celle journée ne

  1. Guillaume de Nangis, Gesta Philippi regis Franciæ, dans Rec. des Hist. des Gaules et de la France, t. XX, p. 530-531.
  2. « Visumque est genti suæ, et maxime regis Majoricarum, ut creditur, hortatu » (G. de Nangis).
  3. Genne, auj. Elne, Pyrénées-Orientales, arr. et cant. de Perpignan. Le nom de Genne lui fut donné sans doute par erreur de graphie. Elne, du latin Helena, était appelé au xiiie et au xive siècle par les Français du nord Eaune ou Iaune, la confusion de l’I et du J et de l’u avec n a donné Janne, d’où Genne (cf. Longnon, Les noms de lieu de la France, no 559, et Lecoy de la Marche, op. cit., t. I, p. 222, note 2).
  4. Dès le 22 mai, et peut-être quelques jours plus tôt, la ville d’Elne fut investie (Lecoy de la Marche, op. cit., t. I, p. 223).