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ville assez prest de la forest de Creci, et ylec li fu dit que l’ost des Anglois estoit bien à iiii ou v liues de lui, dont ceulz mentoient fausement, qui telles paroles li disoient, car il n’avoit pas plus d’une liue entre la ville et la forest, ou environ. A la parfin, environ heure de vespres, le roy vit l’ost des Anglois, lequel fu espris de grant hardiesce et de courrouz, desirant de tout son cuer conibatre à son anemi, fist tantost crier « A l’arme », et ne voult croire au conseil de quelconques qui loyaument le conseillast, dont ce fu grant doleur. Car l’en li conseilloit que celle nuit, li et son ost se reposassent ; mais il n’en voult riens faire, ains s’en ala a toute sa gent assembler aus Anglois, lesquiex Anglois gitterent trois canons, dont il avint que les Genevois arbalestiers qui estoient ou premier front tournerent les dos et laissierent à traire, si ne scet l’en se ce fu par trayson ; mais Dieu le scet. Toutes voies l’en disoit communement que la pluie qui cheoit avoit si moillées les cordes de leurs arbalestes que nullement il ne les pooient tendre[1]. Si s’encommencierent les Genevois à enfuir et moult d’autres nobles et non nobles. Et si tost qu’il virent le roy en peril, il le laissierent et s’enfuirent.


XXXIX.
De la dolente bataille de Créci.

[2]Quant le roy vit ainsi faussement sa gent resortir

  1. La cause de. la débandade des Génois fut le manque de munitions et d’armes défensives restées à l’arrière, plutôt que cette pluie problématique dont parlent certains chroniqueurs (J. Viard, op. cit., p. 73, note 2).
  2. Cf. Chronique de Jean le Bel, t. II, p. 103 à 110 ; Frois-