Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/345

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


De ne point fascher mon amour.
Arreste un peu ; rien ne me presse.
Ton soin vaut moins que ta paresse ;
Me bien servir, c’est m’affliger.
Je ne crains que ta diligence,
Et prepare de la vengeance
À qui tasche de m’obliger.

Il te semble que c’est un songe
D’entendre que je m’ayme icy,
Et que le chagrin qui me ronge
Vienne d’un amoureux soucy ;
Tu penses que je ne respire
Que de savoir où va l’empire,
Que devient ce peuple mutin,
Et quand Rome se doit résoudre
À faire partir une foudre
Qui consomme le Palatin.

Toutes ces guerres insensées,
Je les trouve fort à propos :
Ce ne sont point là les pensées
Qui s’opposent à mon repos.
Quelques maux qu’apportent les armes,
Un amant verse peu de larmes
Pour flechir le courroux divin ;
Pourveu que Cloris m’accompagne,
Il me chaut peu que l’Allemagne
Se noye de sang ou de vin.

Et, combien qu’un appas funeste
Me traine aux pompes de la cour,
Et que tu sçais bien qu’il me reste
Un soin d’y retourner un jour ;
Quoy que la fortune appaisée
Se rendist à mes vœux aisée,
Aujourd’huy je ne pense pas,
Soit-il le roy qui me rappelle,