Page:Viau - Œuvres complètes, Jannet, 1856, tome 1.djvu/376

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Et ne viennent qu’au sens d’un novice rimeur
Qui réclame Phebus ; quant à moy, je l’abjure
Et ne recognois rien pour tout que ma nature.


SATYRE PREMIERE.


Qui que tu sois, de grâce, escoute ma satyre,
Si quelque humeur joyeuse autre part ne t’attire ;
Ay me ma hardiesse et ne l’offence point
De mes vers, dont l’aigreur utilement te point.
Toy que les eslemens ont fait d’air et de boue,
Ordinaire subject où le mal-heur se joue,
Sçache que ton filet, que le destin ourdit,
Est de moindre importance encor qu’on ne te dit.
Pour ne le point flatter d’une divine essence ;
Voy la condition de la sale naissance,
Que, tiré tout sanglant de ton premier séjour,
Tu vois en gémissant la lumière du jour ;
Ta bouche n’est qu’aux cris et à la faim ouverte,
Ta pauvre chair naissante est toute descouverte,
Ton esprit ignorant encor ne forme rien
Et moins qu’un sens brutal sçait le mal et le bien.
A grand peine deux ans t’enseignent un langage
Et des pieds et des mains te font trouver l’usage.
Heureux au prix de toy les animaux des champs !
Ils sont les moins hays, comme les moins meschans.
L’oyselet de son nid à peu de temps s’eschappe
Et ne craint point les airs que de son aisle il frappe ;
Les poissons en naissant commencent à nager.
Et le poulet esclos chante et cherche à manger.
Nature, douce mère à ces brutales races,
Plus largement qu’à toy leur a donné des grâces.
Leur vie est moins subjecte aux fascheux accidens