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parce que trois ou quatre coups de canon, suivant lui, devaient briser la colonne et précisément nous faire tomber en dehors du point du typhon, c’est-à-dire du gouffre giratoire qui était à deux cents mètres de profondeur sous nous peut-être ; puisque nous étions déjà à cent mètres au-dessus de la mer.

C’est vrai, dit le capitaine tranquillement, c’est peut-être la dernière planche de salut, bien pourrie. essayons et il fit charger tous les canons du bord jusqu’à la gueule.

— Ça ne fait rien, je n’ai jamais commandé le feu dans de pareilles circonstances et à une telle hauteur, dit-il. Allumez.

Je pris ma montre, il y avait juste vingt minutes que nous valsions follement au bout de la colonne d’eau géante, à cent mètres en l’air. Une décharge effroyable, une chute pareille et ce fut tout. J’eus la sensation que je tombais au fond de la mer et je m’évanouis. Quand je revins à moi, combien de temps après, je n’en sais rien, j’étais seul en pleine mer et la tempête se calmait, le typhon était loin, je saisis une poutre qui se trouvait là heureusement, grâce à l’instinct de la conservation, car je ne raisonnais plus et J’étais comme abruti et un peu fou.

Une heure plus tard je fus recueilli par un charbonnier espagnol qui retournait aux Philippines avec une charge de charbon japonais. Je finis par pouvoir prononcer dix paroles et raconter mon aventure ; le bateau chercha sur place une heure et ne trouva rien. Le navire avait intégralement disparu au fond de la mer avec plus de cent hommes à bord.