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parent de tout le monde, de tout un chacun, beaucoup plus qu’on ne se le figure, depuis le commencement du monde, il est bien certain que nous pouvons reconnaître dans cette célèbre couleur momie, les os pilés, les cheveux écrasés, les dents pulvérisées et les muscles réduits en poussière de nos aïeux.

Ça vous fait courir la petite mort le long de l’épine dorsale, cette pensée, comme disait la divine marquise, et ça n’est pas drôle de se dire qu’il va falloir renoncer à tout jamais à cette joie macabre, surtout lorsque l’on est esthète.

C’est pourquoi j’ai cherché s’il n’y avait pas de remède à cet état de choses aussi lamentable que désastreux et, si je ne m’abuse, après de longues veilles et de non moins laborieuses méditations, je pense avoir enfin trouvé la solution qui seule est capable de ménager à la fois les intérêts de l’industrie très spéciale des fabricants de couleur-momie, les besoins des peintres et le côté quasiment superstitieux et fétichiste de cette passionnante question.

Comme je ne voulais rien laisser à l’imprévu, j’ai commencé par me livrer à une longue et minutieuse enquête auprès des personnes intéressées et par conséquent compétentes. D’abord j’ai interviewé les fabricants de couleur-momie en Égypte même.

Nous sommes descendus au bord du Nil, j’ai pris un crocodile pour sténographe et tous m’ont répondu, avec des larmes dans la voix :

— Monsieur, nous sommes perdus, le stock des momies va être bientôt épuisé, c’est bien une