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ix

alors elles s’évaporeraient peut-être, et je ne trouverais plus rien en moi qu’un cœur léger, joyeux, qui sait ? Penser devient un tourment abominable quand toute la cervelle n’est qu’une plaie. J’ai tant de meurtrissures dans la tête que mes idées ne peuvent remuer sans me donner envie de crier : « Pourquoi ? Pourquoi ? » Dumas dirait que j’ai un mauvais estomac. Je crois plutôt que j’ai un pauvre cœur honteux et orgueilleux, un cœur humain, ce vieux cœur humain dont on rit, mais qui s’émeut et fait mal et dans la tête aussi ; j’ai l’âme des Latins, qui est très usée. Et puis, il y a des jours où je ne pense pas comme ça, mais je souffre tout de même, parce que je suis de la famille des écorchés. Mais cela, je ne le dis pas, je ne le montre pas, je le dissimule même très bien, je crois. On me pense, sans aucun doute, un des hommes les plus indifférents du monde. Je suis sceptique, ce qui n’est pas la même chose, sceptique parce que j’ai les yeux clairs. Et mes yeux disent à mon cœur : « Cache-toi, vieux, tu es grotesque ! » Et il se cache…

Puis il a peur de la mort :

« Il mourra bientôt à son tour. Il disparaîtra et ce sera fini… Quelle affreuse chose !