Page:Vicaire - L’Heure enchantée, 1890.djvu/138

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— « Non, laissez-moi. Mon âme à jamais s’est donnée,
Et celui qui l’avait dans ses mains n’en veut plus.
J’étais jolie et fraîche, alors que je lui plus ;
Ma couronne de myrte est maintenant fanée. »
— « Innocente ! Elle va refleurir avec toi.
Une fille un peu triste en est souvent plus belle.
Viens : nos hommes là-bas vident leur escarcelle ;
Le baiser d’un marchand vaut cent écus du roi. »

 
Pauvre Madeleine,
Pauvre cœur en peine !


La rougeur au visage, elle tremble, indécise ;
Son enfance, un instant, passe devant ses yeux.
Elle revoit les prés en fleur, le ciel joyeux,
Le sentier verdoyant qui monte vers l’église :
On dirait qu’une voix lui parle d’amitié,
Une voix d’autrefois qui vient de la prairie.
Mais non : tous l’ont battue et marquée et flétrie ;
De son enfant malade ils n’ont pas eu pitié.

 
Pauvre Madeleine,
Pauvre cœur en peine !


— « Eh bien, puisqu’il le faut, qu’un tourbillon m’emporte !
J’ai souffert, j’ai prié, j’ai lutté bien longtemps.
Mais je suis faible, ô Dieu, je n’ai pas dix-huit ans.
Avec le mois de mai mon espérance est morte.
Adieu donc l’allégresse et les fleurs de chez nous,
Adieu, source où j’ai bu le feu qui me dévore.