Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/135

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chaque matin pendant quatre ou cinq heures, et chaque soir en passer deux ou trois autres sur le siège, et conduire quelque temps qu’il fît, je n’eus pas d’autre amusement pendant toute la fin de cet hiver. Au mois d’avril, je fis une excursion avec mon compagnon habituel dans les plus belles provinces de l’Angleterre. Nous allâmes à Portsmouth, à Salsbury, à Bath, à Bristol, et nous revînmes à Londres par Oxford. Le pays me plut infiniment, et l’harmonie qui règne en toutes choses, dans cette île, où tout est combiné pour le plus haut degré de bien-être général, m’enchanta chaque jour d’avantage. Dès lors je sentis naître en moi le désir de pouvoir m’y fixer pour toujours ; non que les individus m’y plussent infiniment ; ils me plaisaient cependant mieux que les Français, étaient meilleurs et plus ronds ; mais la physionomie du pays, la simplicité des mœurs, la beauté et la modestie des femmes et des jeunes filles, par-dessus tout, l’équité du gouvernement et la vraie liberté, qui en est la fille, tout cela me faisait complètement oublier et les désagrémens du climat, la mélancolie qui ne manque jamais de s’y emparer de vous, et la ruineuse cherté de la vie.

Au retour de cette petite excursion, qui m’avait remis en train, je fus repris de plus belle par cette rage de courir, et j’eus beaucoup de peine à différer encore jusqu’aux premiers jours de juin mon départ pour la Hollande ; alors je m’embarquai à Harwich pour Helvoetlvys, 'et avec un bon vent eu douze heures j’y arrivai.