corrigé d’ailleurs par un premier accès de cette mélancolie funeste, qui m’avait si mal réussi à La Haye, je donnai dans ce nouveau piège, et je m’épris d’une si furieuse passion, que j’en frémis encore quand j’y songe, aujourd’hui que je la raconte froidement dans la première tiédeur de mon neuvième lustre.
J’avais très-souvent l’occasion de voir cette belle Anglaise, principalement chez le prince de Masserano ; elle avait en commun avec la princesse une loge à l’Opéra italien. Je ne la voyais pas chez elle, parce qu’alors il n’était pas d’usage, en Angleterre, que les dames reçussent des visites, et surtout des étrangers. Ajoutez que le mari était extrêmement jaloux de sa femme, autant que peut et que sait l’être un homme né de ce côté des Alpes. Ces petits obstacles ne faisaient que m’enflammer davantage : tous les matins elle me trouvait devant elle, tantôt à Hyde-Park, tantôt dans une autre promenade ; tous les soirs je la voyais également dans les cercles à la mode ou au théâtre ; et les nœuds de l’intrigue se resserraient chaque jour de plus en plus. La chose en vint à ce point que, le plus heureux des hommes d’être ou de me croire payé de retour, je me regardais néanmoins comme le plus infortuné, et je l’étais, de ne pouvoir trouver le moyen de continuer long-temps ce commerce avec sécurité. Les jours passaient, les jours avaient des ailes, et le printemps avançait. À la fin de juin, au plus tard, elle partait pour la campagne, où elle devait rester sept ou huit mois, et il allait devenir