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Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/173

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mouvement machinal, je m’élance à la porte, je l’ouvre, je la referme en un clin d’œil derrière moi, et me voici face à face avec le mari de ma maîtresse, qui attendait qu’on vînt lui ouvrir cette porte fermée à clef. En Angleterre, il y a des gens qui gardent les loges, et qui se tiennent pour cela dans les corridors du théâtre. Plusieurs fois déjà je m’étais attendu à cette visite, et ne pouvant avec honneur la provoquer, je la désirais néanmoins plus qu’aucune chose au monde. Je m’élançai donc hors de la loge comme un éclair, et : — Me voici, m’écriai-je, qui me cherche ? — Moi, me répondit-il, j’ai à vous parler. — Sortons, repliquai-je, je suis à vous. Il n’y eut d’échangé que ce peu de mots, et sans rien ajouter, nous sortîmes immédiatement du théâtre. C’était vers les sept heures et demie du soir, dans les plus longs jours du mois de mai : les spectacles à Londres commencent à six heures. Du théâtre d’Hay-Market nous nous rendîmes, par un long détour, au parc Saint-James, d’où l’on entre par une barrière dans une vaste prairie appelée Green-Park ; nous arrivons, il faisait presque nuit. Là, dans un petit coin écarté, chacun dégaine sans mot dire. Il était alors d’usage de porter l’épée, même enfrack ; je me trouvais donc avoir la mienne, et lui, à peine de retour à la campagne, n’avait eu que le temps de courir chez un armurier pour s’en procurer une. En suivant le chemin de Pall-Mall, qui mène au parc Saint-James, deux ou trois fois il me reprocha d’être venu furtivement dans sa maison et à plusieurs