Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/177

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Et ce fut une heureuse pensée que me donna là le hasard ; car en entrant dans l’appartement de cette dame, le premier objet qui s’offrit à mes yeux fut ma maîtresse, ma maîtresse elle-même. Cette vue inespérée, au milieu d’une telle tempête d’émotions diverses, manqua me faire évanouir. Elle m’éclaircit bientôt toute l’affaire, comme il semblait qu’elle fût arrivée, mais non comme en effet elle s’était passée ; il était dans ma destinée d’apprendre plus tard la vérité, et par une toute autre voie. Elle me dit donc que dès notre premier rendez-vous à la campagne, son mari avait su avec certitude que quelqu’un s’était introduit dans sa maison ; mais personne ne m’avait vu. Il s’était assuré qu’un cheval avait passé toute une nuit, tel jour, dans telle auberge, que son maître était venu le reprendre à telle heure et avait payé largement sans dire mot. C’est pourquoi, dans la prévoyance d’une seconde visite, il avait secrètement aposté quelque homme à lui pour faire le guet, et le soir, à son retour, lui rendre bon compte de toute chose. Il était ensuite parti pour Londres dans la journée du dimanche, et ce même jour, comme je l’ai raconté, j’étais parti de Londres dans l’après-midi pour la maison de campagne, où j’étais arrivé à pied sur la brune. L’espion (il y en avait peut-être plusieurs) me vit traverser le cimetière du lieu, m’approcher ensuite de la petite porte du parc, et, ne pouvant l’ouvrir, enjamber les palissades de la clôture ; puis, au point du jour, il m’avait vu sortir de la même manière et rejoindre à pied la grande