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Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/179

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pêcher de rire, tant les passions se modifient suivant la diversité des caractères et des climats, et, en particulier, selon la différence des lois. Le lecteur italien rêve déjà une femme poignardée, empoisonnée, ou du moins jetée dans une prison, et d’autres violences bien justes. Rien de tout cela. Le mari anglais, quoique à sa manière il aimât éperdument sa femme, ne perdit point son temps en invectives, en menaces, en doléances. Il la confronta sur-le-champ avec les témoins qui l’avaient vue, et qui aisément la convainquirent d’un fait qu’elle ne pouvait nier. Dès le mardi matin, le mari ne dissimula point à sa femme qu’à dater de ce moment elle cessait de lui appartenir, et que bientôt un divorce légitime allait le débarrasser d’elle. Il ajouta que non satisfait du divorce, il voulait aussi me faire payer amèrement l’outrage qu’il avait reçu ; que le jour même il retournerait à Londres, où il saurait bien me trouver. Elle alors, sans perdre un moment, m’avait écrit en secret par une voie sûre, pour me donner avis de tout ce qui se passait. Le messager, grassement payé, avait failli crever un cheval pour venir à Londres ventre à terre, et en moins de deux heures, et il y était certainement arrivé une heure avant le mari ; mais, par bonheur, ni le messager ni le mari ne m’ayant trouvé chez moi, je n’eus avis de rien, et le mari me voyant sorti, eut un pressentiment, et devina que j’étais au Théâtre-Italien ; et en effet il m’y trouva, comme je l’ai raconté. La fortune me fit ici deux grâces singulières : d’abord, au lieu