Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/22

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Pendant ce long espace de temps, elle a successivement perdu le fils aîné et la seconde fille de son premier mari, puis les deux garçons qu’elle a donnés au troisième, ce qui fait que, dans sa vieillesse, elle n’a plus d’autre fils que moi, et, par la fatalité de ma destinée, je ne puis demeurer auprès d’elle, ce qui fait bien souvent ma peine. Mais cette peine serait tout autrement cruelle, et à aucun prix je ne voudrais rester continuellement éloigné de ma mère, si je n’étais bien assuré que dans son fort et sublime caractère, comme dans sa sincère piété, elle a trouvé une ample compensation à la privation de son fils.

Que l’on me pardonne cette digression, inutile peut-être, en faveur de la plus estimable des mères.






Chapitre II.

Souvenirs d’enfance.


1752. Revenant donc à parler de mon âge le plus tendre, je dirai que de cette inintelligente végétation de l’enfance il ne m’est resté d’autre souvenir que celui d’un oncle paternel qui, lorsque j’avais trois ou quatre ans, me faisait tenir droit sur une vieille commode, et là me donnait, avec force caresses, d’excellens bonbons. Je l’avais presque entièrement oublié, et tout ce qui m’en restait dans la