Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/21

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vrait régulièrement à cette fatigue, sans prendre garde ni à la rigueur de la saison, ni à aucun autre danger, il arriva, un jour, que, s’étant trop échauffé dans la visite quotidienne qu’il me rendait, il fut attaqué d’une maladie dont il mourut en peu de jours. Je n’avais pas encore accompli ma première année, et ma mère était alors enceinte d’un second fils, qui mourut ensuite en bas âge.

Il lui restait donc un garçon et une fille de mon père, avec deux filles et un garçon de son premier mari, le marquis de Cacheranno. Quoique veuve pour la seconde fois, se trouvant encore fort jeune, elle épousa en troisièmes noces le chevalier Hyacinthe Alfieri de Magliano, cadet d’une maison du même nom, mais d’une autre branche que la nôtre. Ce chevalier Hyacinthe, par la mort de son frère aîné, qui ne laissait pas d’enfans, hérita avec le temps de toute la fortune de sa famille, et finit par se trouver fort à son aise. Mon excellente mère jouit d’une félicité parfaite avec ce chevalier Hyacinthe, dont l’âge était à peu près le sien, homme de fort belle mine d’ailleurs, de mœurs nobles et pures. Elle vécut près de lui dans une très-heureuse et exemplaire union, et cette union dure encore à l’heure où j’écris ces mémoires, et j’ai quarante-un ans. Ainsi depuis trente-sept ans vivent ces deux époux, vivans modèles de toutes les vertus domestiques, aimés, respectés, admirés de tous leurs concitoyens, surtout ma mère, pour cette ardente et héroïque piété qui l’a poussée à se consacrer tout entière au soulagement et au service des pauvres