Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/229

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et m’en fit présent. Dans un de mes intervalles lucides, j’avais eu la patience de la lire et d’y mettre des remarques ; et ainsi annotée, je l’avais renvoyée au docte père. il m’avait paru que la mienne pourrait être moins mauvaise, sous le rapport du plan et des passions, si jamais je prenais le parti de la continuer, comme l’idée m’en revenait de temps en temps.

Cependant le père Paciaudi, pour ne pas me décourager, feignit de trouver le sonnet bon : il n’en croyait pas un mot, et il avait raison. Moi-même, quelques mois plus tard, lorsque je me livrai sérieusement à l’étude de nos grands poètes, j’appris bientôt à estimer mon sonnet ce qu’il valait ; je dois beaucoup, toutefois, à ces premiers éloges que je ne méritais pas, et à celui qui me les donnait ; ils m’encouragèrent fort à les mériter (**).




(**). premier sonnet.


J’ai vaincu enfin, si je ne m’abuse, j’ai vaincu ; éteinte est l’ardente flamme qui dévorait ce pauvre cœur chargé de liens indignes, et dont l’aveugle amour gouvernait tous les mouvemens.

Avant que de t’aimer, ô femme, je savais bien que cet amour était un feu sacrilège ; mille fois je l’ai repoussé, et mille fois l’amour a triomphé. Lutte fatale qui ne me laissait ni vivant, ni mort.

Le long ennui, les plaintes douloureuses, les âpres tourmens, et ces doutes amers, ces doutes cruels « dont est tissue la vie des amans, »

Je regarde tout cela avec des yeux encore pleins de larmes.