Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/236

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vement éprouvé, de placer entre moi et cette femme comme un obstacle désormais insurmontable, la

Donc, mesdames, vous ne le nierez pas, notre sottise fait votre contentement.

J’arrive maintenant aux hommes, et je les vois qui se partagent en mille groupes divers. Ah I quelle joie brille sur le visage des fils, convaincus que la nature leur a fait présent d’un sot père !

Leurs vices échappent â ses regards, et si par hasard quelque usurier fâcheux se lasse de courir et fait un peu de bruit, le bonhomme alors paie et rit.

Et, au contraire, pour les pères avares, quel bonheur que de sots fils! Le nombre est rare, il est vrai, de ceux qui leur demandent des conseils au lieu d’argent.

Et ceux qui font plus qu’aimer la sottise, ma lyre ici vous les désigne un peu obscurément : ce sont ces pauvres diables qui ont reçu la vie de notre humeur débonnaire.

Que dire des vils hypocrites? Ils vont au milieu des niais, se frappant la poitrine et versant de grosses larmes; et ils lancent en tapinois des œillades aux vieilles femmes.

Et vous, riches, nobles et ignorans seigneuis, vous devez à la sottise du vulgaire’ de paraître toujours ce que vous n’êtes pas, élevez-lui un temple, et que chacun l’adore I

Et vous, messieurs les damoiseaux et les galans, qui n’avez dans la tête ( avez-vous une tête? ) que des germes sans vie, s’il n’y avait point de sots, où seriez-vous?

Et vous, faméliques auteurs, que feriez-vous sans le vulgaire ignorant et sot? On verrait la faim peinte sur votre visage. Qui sait? on vous verrait peut-être mourir d’inanition.

Et vous, pires encore que tous les auteurs, qui épluchez les œuvres d’autrui pour aller dire ce que vous avez lu, et le