Page:Victor Alfieri, Mémoires, 1840.djvu/238

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dérision. Et je ne m’apercevais pas que, pour ne point avoir à rougir de nouveau, je me couvrais de

TROISIÈME COLASCIONATA.

Apollon, las d’errer, et ne sachant que faire, s’imagine qu’on l’a prié de chanter encore.

Mais cela n’est point vrai, il l’a rêvé ; pour peu que l’on connaisse les poètes , déjà on a deviné qu’Apollon veut être sifflé.

Vous chanterai-je les vices? Non, car ils gouvernent le monde, et je pourrais bien par là m’attirer le blâme et quelque méchante querelle.

Ce sera donc la vertu ; mais c’est chose de contrebande, et la douane l’a si fort imposée que, même en payant, on n’en trouve plus guère.

Parlerai-je de la beauté des dames? Ah! plus éloquens cent fois, ces doux regards nous apprennent que ces robes nous cachent des anges.

Je chanterai les vicissitudes de la vie; mais si la vie est un songe rapide, les vicissitudes d’un songe, les comprend-on ?

Je chanterais les riches, si j’avais du front comme en ont tous les poètes grands ou petits; d’ailleurs, ce sont mensonges que vous savez déjà.

Je vous parlerais de la mort; elle est si triste, vous ne voudriez pas en écouter un seul mot; mais plus on y pense, et moins on agit.

Disons quelque petite chose sur ce laurier qui couronne modestement ma chevelure. Silence! je me le suis donné, et je l’arrache. Le voici.

Je vous ferai de la misère un beau tableau. Elle n’est pas un vice, d’accord ; mais on la fuit, et jamais on n’en parle. Ou donc ai-je la tête?

Vous dirai-je le bonheur? Ohl l’admirable sujetl Chacun